Rencontres de l’écoterritorialité – Première édition – Clermont-Ferrand, les 12 et 13 octobre 2017

Luc MAZUEL, Géographe, VetAgro Sup

Synthèse finale des travaux – 13 octobre 2017


A travers les illustrations qu’ont livrées ces premières Rencontres de l’écoterritorialité, preuve est faite que, si l’on a besoin de comprendre, de réfléchir, d’analyser, de théoriser, pour approfondir la complexité de la transition à l’œuvre, commencer par observer et valoriser les pratiques en cours, à l’échelle des individus, des entreprises, des territoires, est un préalable très stimulant. A écouter les commentaires on a senti de la curiosité, de l’enthousiasme, et cela fait simplement du bien…

Sans céder aux règles, aux habitudes, aux besoins des marchés, aux filières obligées, s’inventent localement d’autres pratiques pour d’autres aspirations.

Quelque chose se passe qui rejoint la valeur inaliénable de l’esprit et du partage. D’être allés trop loin dans les excès de la production, de la consommation en masse, ici ou là des individus, des communautés, des sociétés locales jusqu’au village planétaire, s’appuient sur de nouveaux imaginaires, construisent de nouveaux mythes, aspirent à d’autres valeurs.

Cette marginalité d’apparence, dans le temps accéléré de notre siècle, peut bien emporter son pari. Il n’est d’ailleurs pas dit que ce seront les territoires et acteurs des pays riches qui en seront les seuls inventeurs et porteurs, par l’entremise parfois de ceux que l’on pourrait traiter avec condescendance de bobo ou d’alter. L’utopie d’une vie familiale, villageoise, citadine, qui vise à retrouver davantage de respect environnemental progresse et peut s’imposer partout. Et l’on aura compris que cette écologisation est, peut-être, avant tout, socio-culturelle.

Nous sommes et avons toujours été piégés entre l’excès et le manque, nous le sommes durablement, historiquement, psychologiquement, génétiquement même. Et si ce destin d’homme lié au comblement des désirs jusqu’à s’y perdre, et avec lui ses semblables, et avec lui, le support même de toutes ces vies, la planète parvenait à changer, pas forcément à s’inverser, car demeurent les contraintes de la démographie, des ambitions, des violences, des tyrannies… mais à tendre vers une forme raisonnable et inventive de poursuite d’une quête, car l’homme veut continuer à avancer, c’est son irrépressible besoin, en y prenant plus que jamais la mesure de ses propres impacts, en cherchant à les réduire et pour atteindre au mieux-être.

A l’heure de la révolution industrielle du XIXème siècle, première accélération générale de la globalisation, Baudelaire parlait de l’homme « perdu dans ce vilain monde », déjà proche de sa fin. De nos jours, à celle de l’homme augmenté, automatisé, qui risquerait de devenir un homme sans sujet, courant à une ruine universelle nietzschéenne, car en l’homme est la dimension tragique et fatale de l’existence, la mort et sa conscience, il existe l’alternative de l’homme agitateur et agissant, qui reconsidère l’espace de ses gestes et perçoit à nouveau les formes infinies que le vent, le soleil, la plante, et même ses propres déchets lui réservent. Il en est surpris, il en est ébahi, comme les découvreurs d’autrefois ou l’astronaute d’aujourd’hui, il n’en mesure pas encore la portée pourtant immense parce qu’elle est moins spectaculaire. Il pense, au mieux, cicatriser, réparer, ré-harmonsier… mais sa liberté est contagieuse car il ne s’agit rien de moins que de ne pas disparaître. Mieux : il s’agit de ressusciter le monde !

Quelle source créative peut-il exister de plus stimulante que celle-ci et que l’homme a toujours pensée comme étant la réserve de Dieu… Et si ce n’était pas de cette restauration du monde d’avant dont il est question, du monde originel, ce qui est impossible, mais, qui sait, d’une sorte d’achèvement créatif absolu, d’un apaisement rêvé, ce qu’on appelle harmonie ?